Pliures transversales, tampon à sec "Bath" dans le coin supérieur gauche. Deux petites déchirures comblées, d'infimes trous à peine perceptibles.
Précieux feuillet de la main de Juliette Drouet, faisant état de ses dépenses de 1839, cruciale année où elle abandonne le théâtre pour de bon, et dépend entièrement de son illustre amant.
Comme à son habitude en chaque fin d'année, Drouet met de l'ordre dans ses affaires, trace colonnes et chiffres, compare ses rentrées mensuelles, et inscrit au verso ses postes de dépense : « nourriture et vin », « toilette, entretien et parfumerie », « chauffage »... Ce sont bien sûr, les « dépenses communes de Monsieur Toto et de Mme Juju y compris le voyage » qui lui coûtent le plus. De septembre à octobre, les deux amants pérégrinent à travers l'Allemagne, la Suisse, et le Sud de la France. Il visitent le bagne de Toulon, événement décisif dans la genèse des Misérables, où Hugo note dans son carnet le premier jet du nom de son futur héros, « Jean Tréjean ».
Après avoir été écartée du rôle de la reine dans Ruy Blas l'année précédente, il est clair par sa correspondance avec son Toto que Juliette désirait encore devenir une « grande acteuse » et conserver son indépendance. Hugo s'y refuse, et cette année-là, ils finiront par célébrer un mariage spirituel, sans intercesseur ni témoin, dans la nuit du 17 au 18 novembre. Leur union scellera son destin de recluse enamourée, et ce feuillet de comptes résume sa totale dépendance : sans compter la maigre somme qu'elle tire du « théâtre [...] bric à braque vendu » (probablement la vente de ses costumes, puisqu'elle ne joue plus déjà), l'intégralité de ses revenus vient de l'« argent gagné par mon adoré » : 7 304 francs, 3 sous et un demi liard. Les calculs révèlent la triste situation de Juliette, qui finit l'année en déficit de 15 francs.
Fascinant document, archive unique révélant les dessous de cette relation passionnée, au moment fatidique où l'actrice en vue accepte de consacrer sa vie au plus célèbre écrivain de son temps.
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Autograph manuscript by Juliette Drouet, entitled “General income for the year 1839” “General expenditure for the year 1839” (verso). Two pages in ink on one leaf.
Folds, blind stamp “Bath” in the upper left corner. Two small tears filled in, tiny holes barely visible.
A precious manuscript in the hand of Juliette Drouet, listing her expenses for 1839, a crucial year during which she gave up theater for good and became entirely dependent on her famous lover.
As was her custom at the end of each year, Drouet put her affairs in order, drew up columns and figures, compared her monthly income, and listed her expenses on the reverse: “food and wine,” ‘toiletries, maintenance, and perfumes,' ‘heating'... Of course, it was the ‘shared expenses of Monsieur Toto and Mme Juju, including travel' that cost her the most. From September to October, the two lovers traveled through Germany, Switzerland, and the south of France. They visited the Toulon prison, a decisive event in the genesis of Les Misérables, where Hugo noted in his notebook the first draft of the name of his future hero, “Jean Tréjean.”
After being rejected for the role of the queen in Ruy Blas the previous year, it is clear from her correspondence with Toto that Juliette still wanted to become a “great actress” and retain her independence. Hugo refused, and that year, they ended up celebrating a spiritual marriage, without a mediator or witnesses, on the night of November 17-18. Their union sealed her fate as a reclusive lover, and this account summary sums up her total dependence: apart from the meager sum she earned from “theater [...] bric-a-brac sold” (probably the sale of her costumes, since she was no longer acting), all of her income came from “money earned by my beloved.” : 7,304 francs, 3 sous, and half a liard. The calculations reveal Juliette's sad situation, ending the year with a deficit of 15 francs.
This fascinating document is a unique archive revealing the underside of this passionate relationship at the fateful moment when the prominent actress agreed to devote her life to the most famous writer of her time.