Admirable ensemble de quatre fragments manuscrits du chapitre XI du Voyage d'Espagne dévoilant les coulisses de l'écriture de Gautier qui, guidé par le goût romantique pour le pittoresque, relate ses séjours à Madrid et Ocaña et ses passages par La Guardia et Tembleque. Gautier adopte ici un étonnant format de travail sur feuilles volantes où, menée par une écriture serrée et bigarrée, se distingue la fabrique du récit à travers les corrections que l'auteur impose à son texte. Originellement destiné à une publication dans la presse, l'article de Gautier, lui-même séduit par l'exotisme espagnol, satisfait le penchant pour le pittoresque alors à son apogée en France : « [...] les mouvements de coude des femmes se groupant dans leur mantille et corrigeant l'inflexion d'un pli disgracieux ; les œillades lancées d'une croisée à l'autre aux gens de connaissance ; le joli signe de tête et le geste gracieux qui accompagne l'agur par lequel les senhoras répondent aux cavaliers qui les saluent ; la foule pittoresque entremêlée de Gallegos, de Pasiegas, de Valenciens, de Manolas et de vendeurs d'eau » Les extraits présentés se placent en relation directe avec un imaginaire commun de l'Espagne, introduit par Don Quichotte et ses célèbres moulins : « [...] nous aperçûmes sur la droite deux ou trois moulins à vent qui ont la prétention d'avoir soutenu victorieusement le choc de la lance de don Quichotte [...] La venta où nous nous arrêtâmes pour vider deux ou trois jarres d'eau fraîche, se glorifie aussi d'avoir hébergé l'immortel héros de Cervantès ». Placé en résonance avec une telle référence romanesque, le récit de Gautier se teinte de couleur picaresque : « Nous avions en outre une escorte spéciale de quatre cavaliers armés d'espingoles, de pistolets et de grands sabres. C'étaient des hommes de haute taille, à figures caractéristiques, encadrées d'énormes favoris noirs, avec des chapeaux pointus, de larges ceintures rouges, des culottes de velours et des guêtres de cuir, ayant bien plus l'air de voleurs que de gendarmes, et qu'il était fort ingénieux d'emmener avec soi, de peur de les rencontrer ». Sans se départir de sa plume pleine d'humour (« Boire de l'eau est une volupté que je n'ai connue qu'en Espagne »), Gautier se montre sensible à la gaieté et au bon vivant espagnols : « lasobriété et la patience des Espagnols à supporter la fatigue est quelque chose qui tient du prodige. Ils sont restés Arabes sur ce point. L'on ne saurait pousser plus loin l'oubli de la vie matérielle. Mais ces soldats, qui manquaient de pain et de souliers, avaient une guitare ». Si l'écrivain est conscient de l'influence que la parution des articles dans la presse a sur son écriture, « je ne te fais pas de détails pittoresques. Tu verras cela dans les papiers publics » (Lettre de Théophile Gautier à sa mère, Burgos, 16 mai 1840), le Voyage en Espagne demeure une expérience jalon dans le développement esthétique de Gautier. Plus qu'un simple récit de voyage, l'ouvrage révèle « son rapport poétique avec le monde visible » (François Brunet) dont certains accents se distingue ici : « Le passage de la procession est poudré de sable fin, et des tendidos de toile à voile, allant d'une maison à l'autre, entretiennent l'ombre et la fraîcheur dans les rues [...] Le manège perpétuel des éventails qui s'ouvrent, se ferment, palpitent et battent de l'aile comme des papillons qui cherchent à se poser ». ">
Manuscrit autographe du chapitre XI du Voyage d'Espagne "Boire de l'eau est une volupté que je n'ai connue qu'en Espagne"
s. d. [circa 1843]|13.20 x 21.90 cm|4 feuillets
€5,000
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⬨ 64099
Admirable set of four manuscript fragments of chapter XI of the Voyage d'Espagne which exposes behind the scenes of Gautier's writing which, guided by the romantic taste for the picturesque, relates his stays in Madrid and Ocaña and his passages by La Guardia and Tembleque . Gautier adopts an astonishing working format revealing the intimate / particular process of writing where flying sheets of different sizes, very tight writing and corrections, and inks of different colors come together. Originally intended for a publication in the press, Gautier's article, itself seduced by Spanish exoticism, satisfies the search for picturesque then at its peak in France: " The perpetual carousel of the fans that open, close throb and flap like butterflies trying to land; the elbow movements of the women grouping themselves in their mantillas and correcting the inflection of an unsightly fold; the glances launched from one cross to the other to the people of knowledge; the pretty nod of the head and the graceful gesture which accompanies the agur by which the senhoras reply to the horsemen who salute them; the colorful crowd intertwined with Gallegos , Pasiegas , Valencians, Manolas and water vendors " Gautier establishes links between known references to Spain: Don Quixote and finds picaresque resonances in the adventures he saw: They were men Beyond the simple satisfaction of the public, Gautier offers a glimpse of the Spanish character and bon vivant: sobriety and the patience of the Spaniards to endure fatigue is something that is prodigious. They remained Arabs on this point. One can not go further than the oblivion of material life. But these soldiers, who lacked bread and shoes, had a guitar.