...ou comment la passion de Victor Hugo pour sa maîtresse transparaît dans les envois autographes qu'il lui a adressés, intimement mêlée à sa passion pour les luttes politiques et les causes humanistes.Composé en 1857,
La Pitié suprême, long poème philosophique sur la Révolution, était originellement destiné à conclure la
Légende des Siècles. Victor Hugo le publie finalement en 1879 à l’occasion de sa prise de position en faveur des communards.
Plaidoyer pour l'abolition de la peine de mort,
La Pitié Suprême illustre l’une des premières et plus ferventes luttes politiques de Hugo, qu’il mène encore à l’aube de ses 80 ans : « si mon nom signifie quelque chose en ces années fatales où nous sommes, il signifie Amnistie » (lettre aux citoyens de Lyon, 1873)
Confrontant Hugo et Machiavel, J.C. Fizaine souligne la rigueur intellectuelle du poète au service d’un humanisme érigé en principe universel :
« Machiavel s’adresse à ceux qui veulent devenir princes. Hugo s’adresse pour commencer aux peuples, qui ont subi la tyrannie : c’est La Pitié suprême, qui définit ce qui doit rester immuablement sacré, la vie humaine, sans que la haine, le ressentiment, le souvenir des souffrances passées autorisent à transgresser cet interdit, sous peine de ne pouvoir fonder aucun régime politique et de retomber en-deçà de la civilisation. » (Victor Hugo penseur de la laïcité - Le clerc, le prêtre et le citoyen)
C’est auprès de Juliette Drouet qu’il mène ce dernier combat. Publié en février 1879, peu après leur installation avenue d’Eylau, La pitié suprême semble un écho politique à la nouvelle légitimité conquise par les deux vieux amants après 50 ans d’amours coupables. L’ultime combat de Hugo en faveur de l’amnistie et le pardon résonne dans sa vie affective à l’instar du poème qu’il composera à la mort de Juliette en 1883 :
« Sur ma tombe, on mettra, comme une grande gloire,
Le souvenir profond, adoré, combattu,
D’un amour qui fut faute et qui devint vertu… »
Il dédicace d'ailleurs magnifiquement à Juliette un exemplaire de la Pitié suprême : « premier exemplaire aux pieds de ma dame »
« aux pieds de [s]a dame » ce chef-d’œuvre du romantisme en témoignage de leur amour mythique.