Pliures transversales inhérentes à l'envoi. Publiée dans l'Édition en ligne des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo, du Centre d'Études et de Recherche Éditer/Interpréter (Université de Rouen-Normandie).
Dans un Paris déchiré par les émeutes, Juliette adresse à son amour de toujours une superbe déclaration de dévotion - le lendemain du quatrième anniversaire de la disparition de Léopoldine, qui inspirera à Hugo son plus célèbre poème « Demain dès l'aube ».
La fidèle amante est préoccupée par l'état de santé de François-Victor, qu'elle appelle "ton Toto" ou "notre Toto" dans la lettre. Le fils cadet de l'écrivain était atteint d'une typhoïde qui avait déjà touché son frère Charles l'année précédente. Informée par sa « servarde » Suzanne Blanchard, Juliette mentionne également les émeutes populaires, qui ont lieu dans la rue St. Honoré entre le 31 août et le 7 septembre 1847.
La veille, Juliette et Victor avaient ravivé le douloureux souvenir de leurs filles : elle avait assisté à l'exhumation du corps de Claire Pradier à Saint-Mandé, et c'était pour Hugo l'anniversaire de la mort de Léopoldine - le 4 septembre 1843, à dix-neuf ans. Il publiera « Demain dès l'aube » dans les Contemplations à la date fictive du 3 septembre 1847, deux jours avant cette lettre, pour coïncider avec la veille de ce triste anniversaire. Ce très célèbre poème sera rédigé, en réalité, un mois plus tard : le 4 octobre 1847, aux côtés de Juliette Drouet, qui aimait tant avoir son Victor « travailler auprès d['elle] », selon les mots de sa lettre.
"Je sais que ton Toto [François-Victor] a bien passé la nuit et que le médecin le trouva bien ce matin, aussi je m'en réjouis avec vous tous mes chers amis et avec toi surtout mon bien adoré Victor. Tu serais bien gentil de profiter de cette journée de calme pour venir de bonne heure travailler auprès de moi. Tu sais que c'est aujourd'hui dimanche et il est à craindre qu'on ne vienne justement à l'heure où tu as l'habitude de venir. Je sais bien que je peux laisser ces braves gens s'amuser tout [sic] seul dans un coin mais cela n'est pas moins gênant pour moi de sentir que nous sommes pas entièrement seuls et à nous mêmes dans la maison. Peut-être même viendra-t-il personne à cause des émeutes dont Suzanne prétend que la rue Rambuteau la halle et la rue St Honoré sont pleines. Il y a évidemment exagération dans le récit de ma servarde mais cependant il doit y avoir quelque bruit dans Paris. Je suis tranquille parce que je sais que tu n'as pas affaire de ce côté-là et je suis contente parce que notre Toto va mieux. Je t'aime de toutes mes forces et je t'attends de toute mon âme. Juliette"
Superbe lettre, témoignage de l'inconditionnel amour de Juju pour Toto.
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