Publié dans Plaisir de France, n° 122, 13e année, décembre 1946, p. 18.
Superbe louange de la culture de la Grèce antique et de son théâtral panthéon d'idoles. Cocteau pioche dans ses symboles pour comprendre le monde moderne, et compare Hollywood à l'Olympe de jadis.
Cocteau collabore ici au numéro de Plaisir de France consacré au "Merveilleux dans l'Art et dans la Vie", aux côtés de Supervielle et Marcel Aymé. Fasciné dès ses débuts par la mythologie antique, qui inonde ses oeuvres théâtrales (Antigone, Orphée, La Machine Infernale...) il rédige une déclaration d'amour à ce temps béni où "il existait un perpétuel contact entre les actes humains et leurs symboles", lorsque le merveilleux faisait partie du quotidien. De nombreux repentirs émaillent le manuscrit, dont le titre même de l'article, que Cocteau avait originellement baptisé "L'Olympe". Fidèle à son alter ego mythologique Orphée, qui charme par sa lyre et ses vers, il choisira la chatoyante tapisserie "Orphée et les Muses" de Lucien Coutaud pour illustrer cet article.
"A Cause du mécanisme moderne, qui permet de reproduire le rare à d'innombrables exemplaires, le rare se meurt et, entre autres, on fait du mot merveilleux un emploi abusif [mot biffé].
Le merveilleux cesse de l'être s'il se désingularise, et l'on a une tendance à le confondre avec tout ce qui nous étonne encore : la radio, la vitesse, la bombe atomique.
Or, le merveilleux se trouve beaucoup plus en nous que dans les objets qui nous surprennent. Le véritable merveilleux, c'est la faculté d'émerveillement, qui s'émousse si vite chez l'homme. L'enfance le quitte. Il se blinde contre elle. Il juge, il préjuge. Il repousse l'inconnu [phrase biffée]. S'il laisse agir en lui cette faculté atrophiée, c'est pour fuir les fatigues qu'il s'impose. Il en use comme d'une drogue et se plonge, pour quelques heures, dans un livre ou dans un film.
"A Cause du mécanisme moderne, qui permet de reproduire le rare à d'innombrables exemplaires, le rare se meurt et, entre autres, on fait du mot merveilleux un emploi abusif [mot biffé].
Le merveilleux cesse de l'être s'il se désingularise, et l'on a une tendance à le confondre avec tout ce qui nous étonne encore : la radio, la vitesse, la bombe atomique.
Or, le merveilleux se trouve beaucoup plus en nous que dans les objets qui nous surprennent. Le véritable merveilleux, c'est la faculté d'émerveillement, qui s'émousse si vite chez l'homme. L'enfance le quitte. Il se blinde contre elle. Il juge, il préjuge. Il repousse l'inconnu [phrase biffée]. S'il laisse agir en lui cette faculté atrophiée, c'est pour fuir les fatigues qu'il s'impose. Il en use comme d'une drogue et se plonge, pour quelques heures, dans un livre ou dans un film.